

Structure de recherche associée à la MRSH : LASLAR Date : 17/05/2018 Lieu : MRSH Caen Durée : 29:35 | ![]() |
Cette communication a été donnée dans le cadre du colloque Personnages en série, séries de personnages organisé par le LASLAR et qui s'est déroulé les 17 et 18 mai 2018 à l'université de Caen Normandie.
Ilaria Vidotto est docteure en littérature française de l’Université de Bologne et de l’Université de Haute-Alsace. Sa thèse, en cours de publication chez Classiques Garnier, porte sur l’étude stylistique des comparaisons en comme dans À la recherche du temps perdu. Ses intérêts de recherche se focalisent sur la littérature française des XIXe et XXe siècles, ainsi que sur la stylistique et la linguistique ; elle a participé à des colloques en France et en Italie et a publié des articles portant sur l’œuvre de Proust, ainsi que sur d’autres auteurs. Elle est secrétaire de rédaction de la revue Francofonia depuis 2015.
Résumé
Remarques sur la construction du personnage sériel proustien
Qualifiée par Proust d’« admirable invention » balzacienne, la technique du retour des personnages soutient l’immense « fable sur le temps » (Ricœur) de la Recherche, où elle assume cependant une portée nouvelle : le « retour congruent » (Aranda) des héros proustiens répond au principe tout intérieur d’une psychologie dans le temps. Surgissant de façon intermittente, se modifiant au gré des années et des plans différents qu’il occupe dans la trajectoire existentielle du héros-narrateur, le personnage fait l’objet chez Proust d’une sérialisation sui generis, destinée à rendre visible « l’éther incolore des années » (Le Temps retrouvé, t. IV, p. 568), à extérioriser le travail incessant d’un temps que l’on perçoit d’ordinaire comme immobile. Définie par Aristote comme « le changement qui mène de l’ignorance à la connaissance », l’anagnorisis permet à Proust de mettre en œuvre une dialectique de la répétition et de la variation qui augmente l’épaisseur psychologique de ses héros, en leur conférant tour à tour « la fraîcheur d’un spectacle nouveau » (Tadié), ainsi que leur mystère ; en effet, la juxtaposition kaléidoscopique des facettes que la série rend possible n’entraine pas un épuisement des virtualités du personnages mais relance au contraire un portrait fragmenté, en perpétuel devenir. Ce que Chateaubriand tient pour une misère, à savoir que « l’homme n’a pas une seule et même vie, il en a plusieurs mises bout à bout » (Mémoires d’Outre-Tombe) ne ferait-elle pas, au fond, le bonheur de Proust romancier ?