

Cette conférence a été donnée dans le cadre du colloque Mémoires des massacres au XXe siècle organisé par le Centre de recherche en histoire quantitative (CRHQ) de l'Université de Caen et le Mémorial de Caen du 22 au 24 novembre 2017. Ont été abordées les différentes postures/situations mémorielles et leurs enjeux et usages sociaux et politiques dans les sociétés concernées, notamment chez les anciens belligérants – déni, négation, oubli, aveu, pardon, concurrence mémorielle… -, en prenant en compte l’ensemble des protagonistes (bourreaux, victimes, témoins). Il s’agissait ici de s’attacher aux seules mémoires des massacres et non aux massacres eux-mêmes, en privilégiant la perception qu’en ont eu et/ou qu’en ont encore les sociétés, à travers leurs instances officielles mais sans négliger le point de vue “d’en bas” et les manifestations populaires qui y sont liées.
Membre junior de l’Institut Universitaire de France, Sophie Baby est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne Franche-Comté. Spécialiste de l’espace ibéro-américain aux XXè et XXIè siècles, elle réfléchit aux enjeux portés par les violences de masse et le terrorisme dans nos sociétés contemporaines. Après avoir travaillé sur la transition espagnole à la démocratie - son livre, Le mythe de la transition pacifique. Violence et politique en Espagne (1975-1982), (Casa de Velázquez, 2012) a été traduit en espagnol (chez Akal, à paraître, 2018) - elle embrasse désormais une perspective comparatiste et globale. Elle a co-dirigé l'ouvrage Violencia y transiciones políticas a finales del siglo XX. Europa del Sur-América latina (Casa de Velázquez, 2009) et le numéro spécial “Material Traces of Mass Death: the Exhumed Object”, Les Cahiers Sirice, 2017 . Dans le cadre d’un programme franco-britannique (Labex Les passés dans le présent/AHRC Care for the Future), elle coordonne un ouvrage numérique sur la gestion des passés autoritaires en Europe et en Amérique latine.
Résumé de la communication
De par sa puissance symbolique, l’héritage de Guernica a suscité depuis des décennies la convoitise de groupes concurrentiels qui ont cherché à se l’approprier et à en transformer la signification au gré des évolutions politiques et des usages publics du passé de la Guerre civile qui se sont succédés. L’objet de cette communication est de mettre en lumière les projections internationales de la mise en mémoire de Guernica en Espagne et les jeux d’échelle dans lesquels elle s’inscrit : de l’échelon local – depuis la ville même de Guernica –, à l’échelon national en passant par le maillon intermédiaire et essentiel qu’est la Communauté autonome basque, porteuse de l’interprétation nationaliste du bombardement de 1937. Les mémoires conflictuelles de cet « événement monstre » (Nora) s’inscrivent également dans un espace mondialisé, dans un premier temps limité à l’Allemagne, considérée comme l’héritière du régime nazi, avant que les entrepreneurs de mémoire ne se positionnent dans les scènes transnationales de la lutte contre l’impunité, de promotion de la paix et de la défense des droits de l’homme. Ainsi, Guernica a concentré les dynamiques mémorielles qui se sont déployées de par le monde depuis les années 1970, au service d’enjeux finalement fortement ancrés dans un territoire, le Pays basque, lui-même conflictuel à l’extrême.