

Sybille Goepper, maître de conférences en études germaniques Institut d'études Transtextuelles et Transculturelles (IETT - EA 4186) Structure de recherche associée à la MRSH : ERLIS Date : 04/12/2015 Lieu : MRSH Caen Durée : 48:18 | ![]() |
Cette communication a été donnée dans le cadre du séminaire Espaces Culturels consacré pour l'année 2015-2016 aux Espaces cachés.
Sibylle Goepper est maître de conférences en études germaniques à l'université Jean Moulin Lyon III et membre de l'Institut d'études Transtextuelles et Transculturelles (IETT - EA 4186).
Résumé de la communication
La destitution de citoyenneté dont le chansonnier Wolf Biermann fait l’objet en 1976 marque le début d’une nouvelle ère dans les cercles artistiques de RDA. Tandis que les représentants de la génération intermédiaire (Ankunftsgeneration) quittent en nombre la république socialiste pour l’Ouest ou se replient dans une forme d’émigration intérieure sur place, on assiste à l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes, et parmi eux de poètes : les « nés dedans » (Hineingeborene). La caractéristique de cette jeunesse, née en 1945 et ayant été socialisée en RDA, est d’avoir cessé de croire dans le socialisme réellement existant (real existierender Sozialismus), mais également dans l’utopie communiste et d’afficher sa rupture par un mode de vie et des choix esthétiques qui contreviennent à la doxa en vigueur. C’est ainsi que se répandent, entre autres, la culture du squat, ainsi que la pratique de l’auto-édition sous forme de samizdats littéraires dans certains quartiers du centre de Berlin-Est. L’innovation que constitue cet underground est-allemand dans le paysage culturel de l’Allemagne divisée lui vaut d’être rapidement connu et médiatisé à l’Ouest. Ainsi ce sont bien les membres de ces cercles non officiels, leur philosophie de vie et leur positionnement en matière de création qui seront célébrés en RFA et dans toute l’Europe comme les représentants de l’ « autre Allemagne » au moment de la chute du Mur.
La révélation par Wolf Biermann en 1991 de la collaboration prolongée d’un des principaux leaders de ces groupes avec la police du Ministère de la Sécurité d’État (MfS ou Stasi) vient mettre à mal l’aura d’indifférence et d’indépendance face à la dictature qui entoure le « Prenzlauer Berg ». C’est dans une atmosphère générale de polémique (deutsch-deutscher Literaturstreit) que les journalistes des pages littéraires (Feuilleton) des grands quotidiens ouest-allemands, les auteurs de RDA émigrés en RFA, mais aussi certains acteurs de l’underground interrogent de manière critique le degré d’autonomie atteint par ces cercles. La légende du « Prenzlauer Berg » ne survivra pas à cette phase de réévaluation.
Près de vingt-cinq ans plus tard un bilan plus nuancé semble possible. Tel est l’objectif de cette présentation qui s’appuiera sur un corpus de presse et de textes littéraires, mais également sur des extraits d’archives de la Stasi et sur des interviews inédites des principaux membres des milieux du Prenzlauer Berg (Prenzlauer-Berg-Szene).